Le 3 décembre aura lieu la quatrième journée nationale de la Maladie de Huntington à la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette à Paris. L’équipe de NeuroPsychologie Interventionnelle (NPI) co-organise cet événement avec le Centre de Référence National pour la Maladie de Huntington et le Comité inter-associations (associations d'usagers). Maîtresse de Conférences en Neurosciences cognitives et comportementales et membre du NPI, Marine Lunven explique ce qu'est cette maladie neurodégénérative rare, présente l'état de la recherche, parle de l’implication du NPI et de l’importance d’organiser un tel événement.
Une affection neurodégénérative héréditaire du système nerveux central
La maladie de Huntington est une maladie neurodégénérative héréditaire qui affecte la protéine Huntingtine que l’on retrouve en grande quantité dans le cerveau. « Cette mutation génétique qui touche uniquement le gène de la Huntingtine va conduire à un dysfonctionnement puis à la mort de neurones ».
Une personne porteuse de la mutation génétique développera au cours de sa vie cette maladie. « Généralement, elle débute à un âge situé entre 30 et 50 ans. Elle est caractérisée par une triade de symptômes, à savoir moteurs, cognitifs et psychiatriques qui vont s’aggraver progressivement avec l’avancée de la maladie conduisant à un état démentiel et grabataire. La mort survient en moyenne 20 ans après le début des premiers symptômes. Les symptômes moteurs se caractérisent principalement par des mouvements anormaux appelés mouvements choréiques qui sont des mouvements involontaires, spontanés, incontrôlables, irréguliers. Ils entrainent des troubles de la marche et de l’équilibre, mais aussi des difficultés pour s’habiller ou manger... Les troubles cognitifs concernent les fonctions exécutives, l’attention, le langage, la mémoire ou encore la cognition sociale. Ainsi, la réalisation des activités complexes de la vie quotidienne, ainsi que la communication avec autrui sont fortement altérées à mesure de l’avancée de la maladie. Enfin, les troubles psychiatriques se manifestent par la dépression, l’anxiété, l’irritabilité, l’agressivité, la psychose ou encore la présence d’obsessions. Il est important de bien évaluer et suivre ces troubles. Les idées ou les tentatives de suicide sont fréquentes dans la maladie de Huntington. »
Une maladie rare sans traitement curatif mais dont on peut limiter et retarder le développement
La maladie de Huntington est une maladie rare avec une prévalence estimée à 4-10/100 000 dans les populations occidentales. A l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement curatif mais des traitements permettent de réduire les symptômes. « La prise en charge repose sur des traitements pharmacologiques, de rééducation ainsi que sur la mise en place d’un cadre médico-social approprié. Les patients sont généralement suivis dans les centres experts annuellement par une équipe pluridisciplinaire spécialisée dans cette maladie composée de neurologues, kinésithérapeutes, psychologues, neuropsychologues, orthophonistes, infirmier.e.s, diététicien.n.e.s, ergothérapeutes, assistant.e.s social). » L’objectif vise à conserver le plus longtemps possible l’autonomie, la vie professionnelle, sociale et familiale, la qualité de vie des patients.
La communauté scientifique mondiale unie pour le développement de stratégies thérapeutiques innovantes
Les chercheur.se.s et clinicien.ne.s du monde entier s’unissent pour développer de nouvelles stratégies thérapeutiques. « Actuellement, les traitements restent symptomatiques et ne permettent donc pas de stopper la maladie. Les enjeux cliniques sont multiples car il s’agit non seulement de trouver les meilleurs marqueurs (biologiques, moteurs, cognitifs…) de l’évolution de la maladie, de trouver des thérapies qui permettent non seulement de ralentir l’évolution de la maladie mais également de bloquer l’apparition de la maladie. La recherche avance bien, avec une meilleure identification de cibles thérapeutiques. » Il existe d’ailleurs d'importantes études observationnelles à travers le monde pour mieux comprendre l’évolution de cette maladie. C'est le cas de l'étude ENROLL à laquelle participe le NPI.
Quand les premiers symptômes apparaissent-ils ? Peut-on prédire leur évolution ? Quels sont les meilleurs tests de suivi pour les essais cliniques ? Pour répondre à ce type de questions, l’utilisation d’un protocole commun avec des données cliniques, biologiques et d’imagerie cérébrale permet aux chercheur.se.s d’avoir accès à un grand nombre de données de patients suivis pendant plusieurs années et d’identifier les meilleures outils pour mieux comprendre et prendre en charge cette maladie.
A la recherche d’un traitement susceptible de modifier le cours de cette maladie
Un des objectifs majeurs des recherches sur la maladie de Huntington est de trouver un traitement qui puisse modifier le cours de la maladie. « Les recherches actuelles suggèrent qu’une réduction de la quantité de Huntingtine mutée pourrait permettre de ralentir l’évolution de la maladie. Des essais de thérapie génique visant à bloquer ou à ralentir l’expression du gène de la Huntingtine mutée sont en cours dans plusieurs laboratoires pharmaceutiques internationaux. Par exemple, l’utilisation du système CRISPR/Cas9 permettrait de cibler et de couper la séquence d’ADN qui cause la maladie. » Les premiers résultats obtenus par des recherches sur la souris sont très prometteurs. « Il s’agit actuellement de la seule thérapie dans le paysage actuel qui aurait le potentiel de guérir la maladie. Mais il reste encore des recherches animales à effectuer pour pouvoir proposer cette méthode à l’homme et cela ne sera sans doute pas possible avant encore au moins cinq ans. »
D’autres études s’intéressent à la diminution de la production de la Huntingtine mutée en bloquant la synthèse de la protéine mutée à partir de l’ARN.
« Les enjeux actuels par rapport aux essais cliniques sont bien entendu les effets sur l’évolution de la maladie mais également le rapport bénéfique – risque et d’évaluer si ces thérapies n’amènent pas un effet de toxicité. ». Des traitements sont à l’essai en thérapie génique dans le monde entier pour limiter l’évolution de la maladie. L’avenir sera peut-être une combinaison de traitements en attendant la suppression de la mutation par thérapie génique.
Le NPI, une équipe impliquée dans les actions visant l’amélioration des soins, la recherche scientifique et clinique et le transfert des connaissances acquises en recherche fondamentale vers la pratique clinique
L’équipe de NeuroPsychologie Interventionnelle est dirigée par le Pr. Anne-Catherine Bachoud-Lévi, également coordinatrice du Centre de Référence National pour la maladie de Huntington. L’équipe est composée de membres ayant des domaines d’expertise diversifiés (neurologues, chercheurs, psychologues, statisticiens, ingénieurs) parmi lesquels Katia Youssov neurologue à l’hôpital Henri Mondor et membre du comité scientifique de l’association Huntington France.
L'originalité du NPI repose sur la convergence entre la recherche fondamentale en cognition et la recherche translationnelle axée sur l'évaluation de thérapies telles que la greffe cellulaire et la thérapie génique dans les maladies neurodégénératives telles que la maladie de Huntington. Le laboratoire participe activement aux essais cliniques actuels français et internationaux.
Les projets de recherche clinique développés par le NPI sont basés sur le concept original de la neuropsychologie interventionnelle. La possibilité d’étudier les fonctions cognitives non seulement à travers leur déclin mais aussi à travers leur restauration après une intervention thérapeutique. Afin d'améliorer le traitement et la prise en charge des patients atteints de maladies neurodégénératives, l’équipe capitalise sur son expertise en cognition pour développer de nouveaux outils cognitifs pour le diagnostic, le pronostic et le suivi des patients.
« L’équipe est localisée sur deux sites. L’Institut Mondor de Recherche Biomédicale est situé à la Faculté de Santé de l’UPEC à Créteil et avec sa proximité physique avec l’hôpital Henri Mondor et ses plateformes biologiques, il est largement reconnu pour ses recherches cliniques. Nous sommes rattachés au service de Neurologie de cet hôpital, service dont Anne-Catherine Bachoud-Lévi est cheffe. Le Département d’Études Cognitives est largement reconnu pour ses recherches en neurosciences et sciences cognitives. Ces appartenances nous permettent de consacrer dans des conditions privilégiées nos travaux en recherche translationnelle pour les patients atteints de maladies neurodégénératives (maladie de Huntington, maladie de Parkinson et maladie d’Alzheimer) ou vasculaires (accidents vasculaires cérébraux). Cela nous permet d’adopter une triple approche. Tout d’abord, nous développons des études fondamentales en cognition chez l’adulte neurologiquement sain. Ensuite, nous développons des outils digitalisés pour faciliter et optimiser les évaluations cognitives des patients et leur suivi dans le cadre des essais cliniques. Notre objectif ultime est de pouvoir assurer un suivi cognitif dématérialisé permettant un suivi des patients à domicile. Cela permettrait d’évaluer plus fréquemment les patients et d’adapter leur prise en charge à distance de l’hôpital. Enfin, l’équipe participe activement à l’application des thérapies innovantes et aux modèles prédictifs de déclin et de récupération par des approches statistiques classiques et de machine learning. ».
Le NPI participe également à la rédaction des protocoles nationaux et internationaux de diagnostic et de soins (PNDS national) pour améliorer la prise en charge des patients qui souffrent de la maladie d’Huntington.
La journée nationale « Maladie de Huntington » pour informer et soutenir les malades et leur famille, soutenir la recherche en vue de la découverte de traitements efficaces
La première édition de la journée nationale de la maladie de Huntington a eu lieu en 2013 à l’initiative de l’association Huntington France et du centre de référence national pour la maladie d’Huntington. Cette journée a pour objectif non seulement d’informer et de soutenir les personnes atteintes de la maladie ainsi que les familles de ces personnes mais aussi de soutenir la recherche fondamentale et clinique en marche pour découvrir de nouveaux traitements, de nouvelles prises en charge (médicamenteuses ou non médicamenteuses). Cet événement est ouvert à toute personne désirant mieux connaître cette maladie et connaître les avancées en termes de diagnostics, de prise en charge et concernant les stratégies thérapeutiques en développement. Elle réunit tous les acteurs professionnels et non professionnels, à savoir les clinicien.nne.s, les chercheur.s.es mais également les personnes porteuses de la mutation génétique et leur famille et aidants. « Il est important de souligner qu’autour de la maladie de Huntington, il existe une forte communauté qui réunit et fait travailler ensemble les malades, aidants, chercheurs et cliniciens. De nombreuses actions sont menées en dehors de cette journée nationale dans les différentes antennes en France. Cette communauté est très active et les patients sont fortement impliqués et informés des projets de recherche en cours ou envisagés. C’est aussi une des raisons pour lesquelles ce type de journée est important pour que les actions locales puissent également être partagées de façon nationale avec l’ensemble de la communauté. De nombreux bénévoles s’impliquent chaque jour pour améliorer les conditions de vie des patients, pour créer du lien entre les patients et les structures hospitalières et cliniques, pour informer le grand public de l’existence et des répercussions de cette maladie, ou encore pour aider et soutenir financièrement les chercheurs dans leurs travaux. »
En savoir plus sur la Journée de Huntington
Cet évènement est gratuit et ouvert à tous, dans la limite des places disponibles et de la présentation du pass sanitaire.
Pour consulter le programme détaillé
Pour s’inscrire : https://journee-mh.sciencesconf.org/
En savoir plus sur Marine LunvenMarine Lunven a toujours été intéressée par la recherche appliquée aux questions cliniques, permettant un impact bénéfique sur la récupération ou la compensation des troubles en cas de maladie neurologique. Après des études en psychologie, elle a poursuivi par une thèse en neurosciences cognitives à l’université de Lyon 1 en collaboration avec l’Institut du Cerveau et de la Moelle Épinière (Hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris). Ses travaux ont porté sur les prédicteurs anatomiques de l’évolution de la négligence spatiale unilatérale gauche après un accident vasculaire cérébral droit (AVC D). « Il s’agit un trouble observé fréquemment après un AVC D qui conduit les patients à se comporter comme si l’espace gauche n’existe plus. Il est associé à une faible récupération fonctionnelle. Un tiers seulement de ces patients ne montrent plus de signes de négligence en phase chronique de leur AVC et aucune méthode de réhabilitation ne s’est montrée satisfaisante pour permettre une récupération complète ».
Au cours de sa thèse, elle a étudié les corrélats anatomiques associés à la chronicité de ce syndrome et a montré que la préservation des faisceaux de substance blanche qui permettent la communication entre les régions postérieures des deux hémisphères était nécessaire pour permettre une récupération spontanée. « De ce constat, j’ai réalisé une étude visant à tester l’efficacité d’une méthode de réhabilitation sensori-motrice (l’adaptation prismatique) associée à une étude neuro-anatomique. Les résultats ont montré que l’intégrité microstructurelle de la substance blanche au niveau des fibres du corps calleux reliant les régions antérieures du cerveau permettaient aux patients négligents de bénéficier de cette méthode de réhabilitation. L’ensemble de ces résultats démontre l’importance à axer des méthodes de réhabilitation qui permettent d’améliorer les capacités de communication entre les deux hémisphères. »
A la suite de sa thèse, elle a travaillé pendant trois ans comme psychologue spécialisée en neuropsychologie à la clinique de soins de suite et de rééducation du Bourget. « Je réalisais les évaluations cognitives, comportementales et émotionnelles des patients cérébro-lésés et menais des séances de réhabilitation. En parallèle, j’ai continué à travailler en recherche sur les corrélats anatomiques de la négligence à l’ICM (Hôpital de la Pitié Salpêtrière). »
« J’ai eu la chance en 2017 de rencontrer le Pr. Anne-Catherine Bachoud-Lévi qui m’a proposée un poste en tant que post-doctorante au sein de son équipe pour continuer à mener des recherches appliquées aux problématiques cliniques chez les patients atteints de la maladie de Huntington. » Depuis, Marine Lunven a obtenu un poste de Maîtresse de Conférences à l’Université de Paris Est Créteil au sein de la Faculté de Santé. Elle participe au développement et à la validation clinique de tests cognitifs pour suivre l’évolution cognitive des patients. « Il s’agit d’un enjeu clinique majeur dans ce domaine étant donné que ces troubles ont un impact négatif important sur la qualité de vie des patients et des aidants dès les stades précoces. Avec l’arrivée de nouvelles thérapies innovantes, il apparait donc crucial d’identifier un marqueur cognitif fiable et sensible au stade de la maladie ainsi qu’au déclin dans un délai temporel similaire à celui proposé dans les essais cliniques. Je combine dans ma pratique les approches comportementale, longitudinale et de neuro-imagerie. »